Ressource enseignant - Article de vulgarisation



Description
En ce qui concerne la méthode des cas, voici une définition succincte qui peut amorcer l'appropriation de cette formule pédagogique.

« Proposition, à un petit groupe, d'un problème réel ou fictif en vue de poser un diagnostic, de proposer des solutions et de déduire des règles ou des principes applicables à des cas similaires » (Chamberland, Lavoie et Marquis, 1995, p. 91)

Voici aussi une autre définition qui complète bien la précédente car elle a l'avantage d'opérationnaliser l'utilisation de cette formule pédagogique. Mucchielli est considéré comme l'un des pionniers en la matière. Il nous a laissé cette définition qui, bien qu'elle ait été formulée en 1969, nous semble très actuelle et encore plus descriptive que certaines des définitions ultérieures :

« Une étude de cas est un texte écrit ou simulé, un témoignage oral ou enregistré relatant une situation problématique concrète et réaliste, c'est-à-dire un incident significatif, une situation embarrassante ou critique ou tout simplement le déroulement d'une situation dans le temps. L'étude de cas sert, lors de discussions de groupe, soit à amorcer une quête d'information, soit à amener une analyse du problème, soit à une prise de décision » (Mucchielli, 1969).

Pour l'étude de cas, l'apprenant participe activement au contrôle de son apprentissage car il détermine les points d'intérêt à investiguer et son rythme d'apprentissage. L'apport de l'animateur réside dans le choix des cas à l'étude et leur organisation ainsi que dans l'animation pédagogique des plénières. Cette formule pédagogique est centrée sur les élèves car elle favorise les interactions des apprenants en équipes et en grand groupe. Le cas à l'étude peut être oral, écrit, simulé, enregistré ou sur un média électronique.

Caractéristiques
Types de cas

On peut, dans le cadre de l'étude de cas, utiliser différents types de cas. Nous proposons une taxonomie dans laquelle les cas sont classés selon :
  • la tâche confiée aux apprenants;
  • la complétude des données;
  • l'implication des apprenants;
  • le média.

Ces divers aspects ne sont pas mutuellement exclusifs mais bien complémentaires. Par exemple, on peut choisir un cas visant surtout l'analyse d'une situation (tâche demandée), avec des données incomplètes, à partir d'un témoignage sur vidéo. On réalise bien que la combinaison de ces différents facteurs permet une très grande variété de types de cas et donc une grande possibilité d'adaptation aux objectifs visés.

Les cas peuvent être classés selon la tâche confiée aux apprenants

Les cas offrent diverses possibilités d'exploitation selon les finalités ou objectifs visés. Par exemple, certains cas peuvent n'être que lus pour illustrer certains concepts, d'autres n'invitent les apprenants qu'à sélectionner les informations pertinentes à la compréhension d'une situation spécifique. D'autres encore insistent sur l'analyse d'une situation, la recherche d'informations, la décision et même le plan d'action à établir. Nous préconisons principalement l'utilisation de ces derniers types de cas; nous croyons qu'eux seuls présentent un réel intérêt pour permettre le développement d'habiletés intellectuelles de niveau supérieur. Ce sont les cas analyse, décision et incident critique.

Le cas analyse
Dans ce type de cas, l'élève est amené à faire l'analyse d'une situation de façon critique, en la considérant sous différents angles; il n'a habituellement pas de décision à prendre. Il s'agit souvent de cas où les apprenants ont à considérer toute la complexité et la globalité d'une situation, en portant particulièrement attention aux interactions entre ses divers éléments. Le cas peut décrire des événements qui peuvent être perçus différemment selon l'aspect considéré (éthique, psychologique, scientifique, économique, social, etc.) et qui conduisent les apprenants à explorer les valeurs en jeu. Le cas peut aussi comporter des informations plus ou moins essentielles; les apprenants doivent donc en évaluer la pertinence et l'importance.

Le cas décision
Le cas décision demande de la part de l'élève plus qu'une simple analyse du problème. L'élève doit porter un jugement, prendre une décision ou planifier une action. Ce type de cas exige de choisir parmi plusieurs alternatives à partir de critères classiques à une situation ou déterminés par le groupe.

L'incident critique
L'incident critique, tel que présenté par Mucchielli (1969), est un cas décision décrivant une situation nouée et critique qui place les apprenants devant la nécessité urgente de décider, mais aussi devant une impulsion profonde à prendre parti personnellement. Il s'agit habituellement de situations issues de problèmes de relations humaines dans un contexte donné.

Les cas peuvent être classés selon la complétude (exhaustivité) des données

Les informations disponibles pour analyser un cas peuvent être données entièrement dès la présentation initiale du cas ou être incomplètes. Elles peuvent, dans ce dernier cas, être présentées de façon progressive en fonction du déroulement chronologique des événements ou des aspects à traiter. L'enseignante ou l'enseignant peut aussi ne pas fournir d'une façon automatique les informations en incitant les apprenants à réfléchir aux informations dont ils ont besoin et à les demander. Une troisième variante consiste à obliger les apprenants à trouver par eux-mêmes les informations dans des volumes, des documents, par entrevues ou par expérimentation.

Cas complet
Le cas complet est celui où toute l'information nécessaire à l'analyse et à la prise de décision est rendue disponible aux apprenants.

Cas séquentiel
Le cas séquentiel est un cas dans lequel la situation ou le problème est exposé de façon progressive. La séquence des informations peut correspondre à la présentation d'informations portant sur les aspects différents d'une situation ou encore à l'évolution chronologique d'une situation dans le temps. Il peut s'agir d'un cas décision dans lequel la ou les décisions à prendre devront être ajustées selon la suite des événements décrits.

Technique de Pigors
Dans la Technique de Pigors, on présente le cas en ne fournissant qu'un minimum d'informations sur la situation. Les apprenants peuvent obtenir plus d'information en posant des questions à l'enseignant et celui-ci ne fournit que les informations qu'on lui demande. Ces dernières peuvent être de courts textes déjà rédigés ou être formulées verbalement. Les apprenants sont habituellement très surpris lorsqu'ils prennent conscience des informations qu'ils n'ont pas pensé demander. Mucchielli (1969) suggère d'insister, lors de la phase de l'exploitation pédagogique, sur le niveau d'information nécessaire, le degré de certitude des informations recueillies (justesse, validité, complétude, précision) et le degré de déformation de l'information (quant à son sens et à son usage). Cette variante favorise particulièrement le développement de la pensée critique.

Ex. : En écologie, on implante des chevreuils sur une île et on veut introduire des loups pour contrôler la population. Les élèves doivent eux-mêmes se poser des questions sur les informations pertinentes à demander au professeur : le nombre minimal d'individus dans le cheptel, la rapidité de reproduction, la surface de territoire par individu, le rapport proie-prédateur, etc.

Cas partiel ("Modified case-based" selon Barrows et al., 1986)
Dans ce type de cas, on ne fournit encore une fois que des informations minimales sur la situation. Les apprenants doivent établir une stratégie de recherche afin de compléter l'information nécessaire à l'étude du cas. Par la suite, ils mettent en oeuvre cette stratégie en procédant à une collecte des données requises (entrevue, recherche dans des journaux ou des volumes, expérimentation, etc.). Le cas partiel favorise le développement de la capacité à rechercher les informations nécessaires à l'étude d'une situation et à la prise de décision.

Les cas peuvent être classés selon l'engagement des apprenants
Un cas peut être raconté par des personnes ayant été réellement impliquées, soit en personne, soit par enregistrement audio ou vidéo. En plus d'être raconté, le cas peut être vécu sous la forme d'une pièce de théâtre. Dans ce dernier cas, les acteurs peuvent être des comédiens ou les apprenants eux-mêmes. Dans ces divers cas, l'implication émotive ou personnelle varie énormément.

Récit d'un tiers
Dans ce type de cas, les événements sont relatés par une tierce personne, par exemple l'enseignant. La charge émotive des apprenants est moindre.

Témoignage
Lors d'un témoignage, un individu raconte une situation qu'il a réellement vécue. Le témoignage peut se faire en contact direct ou avoir été enregistré (lors d'une entrevue par exemple). Il peut s'agir de cas vécus par les apprenants eux-mêmes.

Cas dramatisé
Cas dont les données initiales sont présentées à l'aide d'une dramatisation par d'autres acteurs que les apprenants. Cela peut se faire en direct ou à l'aide d'un enregistrement vidéo.

Jeu de rôle
Il s'agit d'un cas présenté sous forme de mise en situation dans laquelle les apprenants ont à jouer un rôle. Celui-ci les amène à vivre la situation, à éprouver divers sentiments et à défendre leurs positions. Par la suite, les apprenants observateurs sont appelés à prendre position et à commenter les attitudes et les décisions des apprenants participants. C'est au moment de la discussion qui s'ensuit que le jeu de rôle devient étude de cas. Ce type de cas convient particulièrement lorsqu'on vise le développement d'attitudes.

Ex. : En biologie, on peut faire mimer une situation où une jeune fille anorexique refuse de s'alimenter convenablement tandis qu'une de ses amies essaie de la convaincre des dangers de cette maladie.


Conditions d'utilisation
Déroulement de l'activité

Selon les objectifs poursuivis, on peut insister sur l'une ou l'autre des étapes du processus de résolution de problèmes. De plus, la succession de ces étapes ne doit pas être vue comme étant un processus nécessairement linéaire. En réalité, dans la vie courante, on peut revenir à l'une ou l'autre de celles-ci pour évaluer, approfondir ou compléter ce que l'on a déjà fait.

L'étude de cas est généralement suivie d'une phase dite de conceptualisation, dans laquelle les apprenants doivent formuler des concepts opérationnels ou des principes directeurs pratiques, applicables à des cas similaires ou à des situations réelles de la vie.

Les étapes de travail des apprenants peuvent varier selon le type de cas étudié. Nous présentons dans le Tableau suivant un exemple tiré de notre expérience qui expose les phases nécessaires au déroulement d'une étude de cas. Le nombre de minutes proposé correspond, de façon assez réaliste, à l'activité. Selon l'ordre d'enseignement, l'étude de cas peut être plus ou moins longue et même être scindée en plusieurs rencontres. Il peut être intéressant de respecter la proportion de temps consacrée aux diverses phases si on veut réaliser cette activité à l'intérieur une période d'une heure par exemple.

La présentation du cas est une phase cruciale permettant de susciter la motivation; la bonne marche des autres phases dépend souvent de cette introduction. Lors de la formation des équipes de travail, la répartition des rôles est également importante pour améliorer l'efficacité du travail d'équipe et minimiser les digressions éventuelles lors des discussions en équipes. Entre autres, l'animateur-modérateur attribue le droit de parole et reformule les idées afin d'aider les membres à suivre la discussion. Lors de la recherche d'arguments, les apprenants proposent des causes possibles, des pistes d'interprétation, des critères de choix, etc. Il est important qu'il y ait une certaine recherche de compréhension de point de vue des autres et de consensus pour qu'il n'y ait pas stagnation dans le processus.

Lors de la plénière, l'animateur demande à chacune des équipes de donner un ou deux arguments maximum sur un aspect précis afin de laisser la chance aux autres équipes d'avoir aussi des choses à dire. Le tour des équipes continue jusqu'à ce qu'il y ait redondance des arguments. L'animateur peut alors passer à un autre aspect.

Tableau 1. Déroulement de l'activité sur 2 leçons de 75 minutes

Introduction (5 min.) - grand groupe
  • introduction du cas
  • présentation des buts visés
  • explications du mode de fonctionnement
Formation de groupes de travail (5 min.) - petites équipes
  • formation des équipes
  • répartition des rôles :
    • animateur-modérateur
    • secrétaire-rapporteur
    • lecteur du cas
    • gestionnaire du temps et du matériel
Analyse du cas (60 min) (première partie) - petites équipes
  • lecture du cas (par un ou plusieurs apprenants)
  • interprétation du sens des mots
  • questions suscitées par le cas
  • informations à chercher et répartitions des tâches
  • comparaison des points de vue et discussion
Analyse du cas (40 min) (deuxième partie) - petites équipes
  • analyse des informations et recherche d'arguments
  • recherche de consensus
  • construction d'une argumentation
  • reformulation du problème s'il y a lieu
  • recherche d'informations supplémentaires s'il y a lieu
Plénière (15 min.) - grand groupe
  • comparaison des points de vue entre les équipes
  • solution ou interprétation retenue ou décision
Synthèse (15 min.) - grand groupe
  • généralisation de principes, de concepts importants, liens avec les expériences antérieures
  • possibilités d'application dans la vie de tous les jours
Clôture (5 min.) - grand groupe
  • retour sur la démarche
  • retour sur les prises de conscience (valeurs, biais, stratégies)
Les deux dernières phases, la synthèse et la clôture, sont des phases cruciales dans cette formule pédagogique; les éléments importants à retenir ou à conceptualiser y sont mis en évidence ainsi que les liens avec d'autres matières ou avec la vie de tous les jours. Elles ne devraient jamais être escamotées faute de temps, quitte à débuter une autre période de cours par ces dernières.

Design d'un cas
Contenu

Les cas décrivent une situation réelle ou réaliste. Ils insistent sur la détermination d'un problème ou la prise de décision. La situation à analyser peut comporter divers types de renseignements : le contexte, les faits, les sentiments, les opinions des protagonistes du cas, des données statistiques, etc.

Ressources

Les situations décrites dans les cas peuvent provenir d'expériences personnelles, de sujets d'actualité ou d'événements historiques. Elles peuvent être recueillies dans les milieux de stages ou de travail. En fonction des buts visés, les sources d'information peuvent varier grandement :
  • personnes-ressource;
  • journaux;
  • revues;
  • médias électroniques;
  • documentation historique;
  • documents réels;
  • statistiques.

Cueillette de données

En ce qui concerne les autres sources d'information que les personnes-ressources, une recherche bibliographique peut être effectuée pour recueillir un premier inventaire d'informations. Certaines sont alors retenues en fonction des contraintes et des finalités visées.

Rédaction du cas

Les cas peuvent être présentés de façon descriptive ou narrative. À partir de nos expériences sur le terrain, nous suggérerons la structure suivante, qui correspond à une présentation descriptive de cas. La recherche d'information ou certaines questions peuvent être intercalées dans le texte.

Présentation descriptive

L'introduction :
Doit permettre de situer rapidement le type de cas (analyse de la situation, décision à prendre, etc.) et les buts visés.

Le contexte (éléments factuels) :
Doit permettre de situer le contexte et l'environnement dans lequel se déroule l'action. La description vise à faire comprendre les éléments périphériques au problème mais utiles à considérer dans l'analyse. Cela pourrait être par exemple le projet éducatif d'une école ou encore le milieu social dans lequel évolue un groupe d'élèves.

La situation-problème :
Doit exposer les principales données relatives au problème et ce, d'une façon factuelle, c'est-à-dire que la description doit primer sur l'interprétation. On y trouve :
  • une description chronologique des faits ou des événements;
  • l'historique de certaines décisions et leurs conséquences;
  • les attentes et les habitudes des acteurs;
  • les contraintes de la situation;
  • toute autre information factuelle d'intérêt.

La conclusion ou l'épilogue
Doit rappeler brièvement, s'il y a lieu, la décision prise par le ou les protagonistes et les résultats obtenus.

Médiagraphie
GUILBERT, L. et OUELLET, L. (1997). Étude de cas _ Apprentissage par problèmes. Québec: P.U.Q, 137 p.

CHAMBERLAND, G., LAVOIE, L. et MARQUIS, D. (1995). 20 formules pédagogiques. Québec Presses de l'Université du Québec P.U.Q.).

LIPMAN, M. (1995). À l'école de la pensée. Traduction de Thinking in Education par Nicole Decostre. Bruxelles: De Boeck.

MUCCHIELLI, R. (1969, 1979). La méthode des cas. Paris : Éditions sociales françaises.

RICHERT, A. E. (1991). Case methods and teacher education: using cases to teach teacher reflection. In Tabachnick, B. R. et Zeichner, K. (Eds.), pp. 130-150. Isues and practices in inquiry-oriented teacher education. New York: Falmer.

SWARTZ, R. et PERKINS, D. (1989). Teaching Thinking. Issues and Approaches. Pacific Grove, CA: Midwest Publications.

VAN STAPPEN, Y. (1989). L'enseignement par la méthode des cas : nature et fonctions, techniques d'application, types d'apprentissage. Joliette : Cégep Joliette-De Lanaudière.