Ressource enseignant - Étude sur les conceptions des élèves



Introduction
Le savoir ne peut être transmis directement des enseignants aux élèves. Il doit nécessairement être construit par ces derniers afin d'être bénéfique. Toutefois, les professeurs ont un grand rôle à jouer en ce qui concerne le suivi des élèves durant leur apprentissage. Ils servent donc de guides plutôt que de transmetteurs de savoirs.

Dans ce même ordre d'idées, les élèves ont tous un vécu et des connaissances multiples acquises dans leur vie de tous les jours avant de parfaire leurs savoirs en milieu scolaire. Leurs conceptions initiales, soit avant tout enseignement formel, peuvent par conséquent créer de l'interférence dans leur apprentissage scolaire. C'est pourquoi la prise en compte des représentations spontanées des élèves doit absolument servir de base à l'enseignement d'un concept.

De nombreuses banques de données existent déjà sur les conceptions intuitives et alternatives des étudiants, et ce, dans plusieurs disciplines. Il importe donc de les consulter avant toute planification de nos interventions en classe. Si les conceptions sur notre sujet d'étude n'ont jamais été répertoriées dans la littérature, un simple questionnaire distribué aux élèves suffit pour comprendre leurs idées antérieures. De plus, en se questionnant, les jeunes mettent à jour leur propre point de vue et le complexifient. Grâce à l'étude des conceptions spontanées, les enseignants peuvent également connaître les lacunes principales, les notions déjà assimilées ou les interrogations de leurs élèves et orienter leurs cours en conséquence.

Plusieurs concepts suggérés dans les programmes d'étude du Ministère de l'Éducation n'ont jamais été analysés dans la littérature par rapport aux conceptions initiales des élèves. C'est entre autres le cas de la notion de « réflexe » qui est abordée dans le cadre du cours de biologie humaine de troisième secondaire. Sachant que les élèves ont généralement de la difficulté à comprendre ce concept, nous avons choisi de l'étudier afin d'aider les enseignants à présenter la matière qui lui est reliée. Nous avons donc questionné 62 élèves de troisième secondaire qui n'avaient jamais reçu d'enseignement sur les réflexes afin d'analyser leurs conceptions initiales.

Problématique
Pour ce travail sur les conceptions, nous avons donc décidé d'étudier la représentation que se font les élèves du concept de réflexe. Plusieurs raisons ont motivé ce choix. Premièrement, le mot « réflexe » est largement utilisé dans le langage populaire. En effet, des expressions comme « avoir de bons réflexes », « aiguiser ses réflexes », « manquer de réflexes » et « développer ses réflexes » en sont quelques exemples. Comme nous croyons que les gens construisent leurs savoirs en groupe, à l'aide du langage, nous pensons que l'utilisation de ces expressions peut avoir une influence sur la compréhension qu'ont les jeunes du concept de réflexe. Deuxièmement, nous nous sommes rendu compte que le concept de réflexe, sous certains aspects, nous cause personnellement encore certaines difficultés. Par exemple, en discutant entre nous, même si nous savions que c'est possible, nous avions de la difficulté à admettre spontanément que le cerveau n'intervient pas dans tous nos mouvements et qu'il est possible pour une personne paraplégique d'avoir des réflexes, et ce, même en l'absence de toute sensation. Nos conceptions initiales sont tenaces. Finalement, nous en avons discuté avec une enseignante qui nous a confirmé que certains aspects des réponses réflexes causent des problèmes. En effet, pour certains jeunes, le mot « réflexe » est défini seulement par la rapidité de l'action. De plus, il semble difficile d'admettre pour les jeunes que les réflexes sont des réponses involontaires.

Le fait de n'avoir rien trouvé lors de notre recherche dans les banques spécialisées à propos du concept de réflexe nous a également incité à poursuivre notre travail sur ce thème. Pour faire la recension des savoirs à propos des conceptions construites par les élèves, nous avons consulté la banque de données ERIC et nous avons utilisé plusieurs descripteurs que nous avons combinés. Nous avons également consulté le livre de Helga Pfundt, mais nous n'avons rien trouvé, dans la section biologie, sur les conceptions à propos des réflexes. Nous avons tout de même regardé certains articles qui traitent des conceptions générales qu'ont les gens sur des concepts en biologie, mais aucun n'explorait les conceptions reliées aux réflexes.



Cadre théorique
Selon Le Petit Larousse de 1988, le mot « réflexe » vient du mot latin réflexus qui veut dire « réfléchi ». Le réflexe est donc une réponse en retour de quelque chose. À l'origine, en physiologie, on utilisait le mot « réflexe » pour désigner les réponses motrices qui succèdent à des stimuli sensitifs ou sensoriels.

Les définitions que nous avons trouvées font ressortir différents aspects des réflexes. Voici quelques définitions : selon Le Petit Robert, un réflexe est une « réaction automatique, involontaire, immédiate d'une structure ou d'un organisme vivant à une stimulation déterminée ». Pour René Doré dans son livre Biologique, « Un réflexe est une réaction nerveuse involontaire et rapide en réponse à un stimulus » (Doré, 1999, p. 180). Selon Marieb, « Un réflexe est une réponse motrice rapide et prévisible à un stimulus. La plupart des réflexes ne sont ni appris, ni prémédités, ni volontaires » (Marieb, 1999, p. 484).

Dans tous les livres que nous avons consultés, les réflexes étudiés suivent des voies nerveuses particulières que l'on nomme les arcs réflexes. L'arc réflexe, qui est le trajet suivi par l'influx nerveux du lieu de la stimulation au lieu de la réaction, doit être composé minimalement des cinq éléments suivants : il doit y avoir un récepteur qui capte les stimuli et qui les transforme en influx nerveux, un neurone sensitif qui conduit l'influx nerveux du récepteur au système nerveux central, un centre d'intégration (ou un analyseur), un neurone moteur qui conduit les influx nerveux du centre d'intégration vers un effecteur et un effecteur qui exécute les « ordres » transmis par les influx nerveux du centre d'intégration.

Le centre d'intégration est toujours situé dans le système nerveux central. Pour les réflexes, le centre d'intégration peut être la moelle épinière ou le tronc cérébral alors que pour les mouvements volontaires, le centre d'intégration est le cerveau. Les réponses réflexes sont toujours plus rapides que les actes volontaires, car l'influx nerveux n'a pas besoin de se rendre au cerveau pour y être analysé. La moelle épinière intervient surtout dans les réflexes spinaux où les effecteurs sont des muscles striés alors que le tronc cérébral est impliqué davantage pour les réflexes touchant les viscères, les muscles lisses, les glandes et le muscle cardiaque. Comme le cerveau n'est pas impliqué dans les mouvements réflexes, on dit de ces réponses qu'elles sont involontaires. Cependant, comme Marieb le mentionne dans son livre, on peut être conscient du résultat de l'activité réflexe. Par exemple, si on se brûle, on fait rapidement un mouvement réflexe de retrait et par la suite l'information de douleur se rend au cerveau pour y être analysée. Il est important de mentionner que les résultats des actes réflexes n'atteignent pas tous notre conscience. Par exemple, la contraction de la pupille, en présence d'une forte lumière, se fait automatiquement sans même que l'on s'en aperçoive. Il en va de même pour tous les réflexes où les effecteurs sont des muscles lisses, des glandes ou le muscle cardiaque.

Comme nous l'avons mentionné plus haut, les réflexes suivent des voies nerveuses particulières appelées arcs réflexes. Ceci a pour effet qu'un stimulus donné va toujours engendrer une même réponse d'un effecteur. Par exemple, si on frappe sur le tendon du genou d'une personne à plusieurs reprises, la réponse sera toujours la même, soit l'élongation de la jambe (contraction du muscle quadriceps et inhibition de la contraction du muscle de la loge postérieure de la cuisse). Le réflexe est donc une réponse stéréotypée. De même, en physiologie, les réponses réflexes sont les mêmes d'une personne à l'autre. En ce sens, un réflexe ne peut donc être appris ou amélioré.

Cependant, bien qu'au sens strict les réflexes soient toujours innés, stéréotypés et involontaires, certains physiologistes, dont Pavlov, ont réussi à démontrer que des réflexes peuvent être engendrés par un autre stimulus que celui qui est normalement associé à une réponse donnée. Dans ce cas, le réflexe est provoqué en l'absence du stimulus normal par un autre stimulus qui lui a été associé préalablement. Par exemple, un chien qui voit de la nourriture (stimulus) aura le réflexe de saliver. Si on prend l'habitude de montrer la nourriture en faisant sonner une cloche, on peut en arriver à faire saliver le chien seulement en faisant sonner la cloche. Comme il faut associer plusieurs fois le stimulus normal et le stimulus conditionnel pour obtenir une réponse, on dit que les réflexes conditionnés demandent de la « pratique » et de la répétition et qu'ils peuvent être modifiés par l'apprentissage. Il semble donc qu'on peut agir dans une certaine mesure sur un réflexe de base. Par exemple, si on se brûle avec un chaudron, on ne le lâchera pas nécessairement s'il y a un jeune enfant à côté, car on a appris les conséquences qu'un tel geste pourrait avoir (ébouillanter l'enfant).

De même, certains psychologues, surtout les behavioristes, considèrent que les réflexes sont à la base de nombreux comportements. Pour eux, tous les comportements seraient appris par une association répétée entre un stimulus et une réponse. Ils expliquent donc le comportement en le comparant avec un réflexe physiologique. Ici, on ne parle donc plus exclusivement de réactions physiologiques, mais aussi de divers comportements qui répondent à différents stimuli. Pour eux, les comportements réflexes sont donc des comportements mécaniques qui se produisent en l'absence de toute réflexion.

En résumé, il existerait des réflexes naturels, ou innés, qui sont des réponses physiologiques (motrice, viscérale ou glandulaire) et qui font suite à un stimulus sensoriel ou sensitif. Le trajet de l'influx nerveux du lieu de la stimulation au lieu de la réaction constitue l'arc réflexe. Les réflexes sont indépendants de la volonté, ils sont automatiques, rapides, innés et stéréotypés. On peut ou non avoir conscience du résultat de l'activité réflexe. Il y aurait également des réflexes acquis qui font suite à un apprentissage. Ces derniers auraient les mêmes caractéristiques que les réflexes innés sauf que le stimulus qui engendre normalement le réflexe serait remplacé (par association) par un autre stimulus qui, au départ, n'intervenait pas dans le réflexe. Le réflexe conditionné utiliserait donc les mêmes voies nerveuses que le réflexe inné, seul le stimulus serait différent. Bien que pour la majorité des physiologistes les réflexes soient innés et qu'ils suivent des voies réflexes déterminées, ils admettent que pour certaines réactions, la distinction entre acquis et inné est difficile à faire.

En biologie de troisième secondaire, les réflexes étudiés sont les réflexes physiologiques innés. Ces derniers sont souvent présentés en opposition avec l'activité volontaire et le trajet suivi par l'influx nerveux est généralement bien décrit. Notre recherche portera donc sur ce type de réflexes.



Méthodologie
Les recherches sur les conceptions initiales relatives aux réflexes étant inexistantes, nous avons préféré utiliser un questionnaire comme méthode d'investigation afin de recueillir les idées d'un plus grand nombre de sujets. Deux groupes d'étudiants de troisième secondaire de l'École des Grandes-Marées ont donc participé à notre étude. Ces jeunes, âgés pour la plupart de 14 et 15 ans, nous étaient connus en grande majorité puisqu'une d'entre nous avait déjà été leur stagiaire lorsqu'ils étaient en première secondaire. Nous avons privilégié ces sujets sachant que les deux enseignantes de biologie les supervisant ont l'habitude d'analyser leurs conceptions initiales avant le début de chaque module grâce à un questionnaire semblable au nôtre. Les élèves étaient par conséquent déjà préparés à ce genre d'activité et répondaient de façon plus spontanée. Évidemment, puisque nous désirions analyser leurs conceptions initiales, la matière sur le système nerveux incluant les réflexes ne leur avait jamais été présentée en classe.

Un des deux groupes d'élèves suivait un programme qualifié d'enrichi en raison de leur facilité d'apprentissage, tandis que l'autre groupe était considéré comme régulier. Toutefois, puisqu'il s'agissait d'analyser les conceptions initiales des étudiants, le fait que certains élèves soient plus performants ne changeait rien, car personne n'avait théoriquement déjà reçu d'enseignement sur les réflexes. Nous avons choisi ces deux groupes simplement parce qu'ils avaient des cours de biologie durant la journée où nous étions disponibles pour leur faire remplir le questionnaire. Au total, 62 élèves ont été interrogés en contexte de classe.

La conception du questionnaire fut relativement complexe. N'ayant trouvé aucune recherche préalable sur les conceptions des réflexes, nous avons entièrement créé notre questionnaire en essayant de traiter le plus de situations différentes possibles. Malheureusement, nous avons dû limiter le nombre de questions et leur complexité, car les élèves devaient pouvoir y répondre en dix minutes seulement. Toutefois, nous nous sommes assurées d'analyser les principales caractéristiques des réflexes soit la rapidité, le fait qu'ils consistent en des actes involontaires, et qu'ils soient innés et stéréotypés, leurs causes ainsi que leur principe de fonctionnement. Toutes nos questions étaient neutres dans leur formulation pour ne pas influencer les réponses. Elles étaient également ouvertes dans la mesure du possible afin d'obtenir des réflexions spontanées. Évidemment, des mises en situation étaient proposées aux élèves pour les mettre en contexte. De plus, nous leur demandions d'expliciter chacun de leurs choix, arguments ou raisonnements en utilisant le verso des pages dans les cas où ils manquaient d'espace sur le questionnaire. Seul le temps limitait donc leur inspiration. Cependant, nous avions testé préalablement le temps nécessaire pour répondre au questionnaire avec d'autres sujets du même niveau scolaire pour nous assurer qu'un temps de dix minutes était suffisant pour le compléter. Notre approximation était finalement bonne, car tous les élèves ont eu suffisamment de temps pour répondre à toutes les questions. Afin d'agrémenter l'aspect visuel du questionnaire, deux images pertinentes accompagnaient les questions, sans causer de la distraction. Finalement, notre questionnaire comporte huit questions de différents types. On y retrouve deux questions à choix multiples, un schéma à compléter et cinq questions à court développement.

Afin de ne pas être pris au dépourvu par le temps et d'avoir les élèves les plus reposés possibles, nous avons demandé de les faire répondre au début de la première période de la journée. Ce n'était cependant possible qu'avec un seul groupe, donc l'autre classe a dû répondre au début de la troisième période de la journée, soit juste après l'heure de repos du dîner. Aucune activité stressante comme un examen ou une fête n'avait lieu avant ou après la passation du questionnaire. Par conséquent, les élèves semblaient tous calmes et dispos.

Avant de distribuer le questionnaire, nous avons expliqué aux élèves en quoi consistait l'activité tout en précisant qu'aucune réponse ne pouvait être mauvaise et que l'anonymat des étudiants serait préservé. Nous demandions aux élèves de s'identifier sur leur copie, mais cela servait seulement dans le but de les responsabiliser. Suite à la compilation des résultats, leurs noms ont d'ailleurs été effacés de leur copie afin de s'assurer que leur identité ne serait pas dévoilée. Nous leur avons aussi spécifié qu'il s'agissait du même genre d'exercices que celui auquel ils avaient l'habitude de répondre au début de chaque module et que par conséquent, les résultats n'apparaissent sur aucun bulletin. Nous voulions leur propre vision des choses et non les réponses qui sont données dans les manuels scolaires. Le tout était déjà indiqué sur leur questionnaire, mais nous tenions à le leur rappeler. Nous leur avons également lu chaque question pour nous assurer qu'ils comprenaient bien leur signification et pour aider les élèves auditifs. Bien entendu, nous avons tenté de rester le plus neutre possible dans notre lecture afin que notre comportement non verbal n'influence pas leurs réponses. Ensuite, nous leur avons laissé une période de dix minutes pour répondre individuellement et consciencieusement.

Par la suite, nous avons effectué le traitement des données. Nous avons d'abord recensé les résultats de chaque groupe pour les comparer. Ensuite, nous les avons regroupés pour les comptabiliser afin d'avoir une idée générale des conceptions initiales de ce groupe d'âge. Finalement, nous avons révisé chaque copie individuellement afin d'analyser la cohérence intra-sujet.



Présentation des résultats

La synthèse et l'analyse des résultats furent traitées question par question. Pour chaque question, les réponses du groupe enrichi sont données en rouge, ceux du groupe régulier en bleu et le total en noir. Les réponses des élèves qui résumaient l'ensemble des opinions sont aussi citées en exemple à l'occasion. Puisque nous n'avons déniché aucune recherche similaire dans la littérature, le parallèle sera impossible à faire. Cependant, nous comparerons les conceptions initiales des jeunes avec le savoir officiel en tentant d'expliquer les particularités, les lacunes et les ressemblances.

Question 1

Tout d'abord, afin de les introduire aux réflexes, nous leur avons demandé comme première question d'encercler les choix qui selon eux constituaient des réflexes et ce, parmi dix possibilités. Parmi les réponses suggérées il y avait deux réflexes viscéraux, quatre réflexes spinaux et quatre réponses qui n'étaient pas des réflexes (des réactions physiologiques), mais qui était plutôt des apprentissages ou des gestes qui relèvent de l'habitude ou de la rapidité. Les choix étaient évidemment distribués aléatoirement. Lorsque nous parlons des réflexes viscéraux, nous parlons des réflexes dont le centre d'intégration est situé dans le tronc cérébral alors que les réflexes spinaux sont constitués des réflexes dont le centre d'intégration est situé dans la moelle épinière. Nous aurions préféré moins les influencer en leur demandant de trouver eux-mêmes des exemples de réflexes, mais étant donné que le temps de réponse était limité, nous ne voulions pas qu'ils prennent trop de temps à chercher. Nous les avons tout de même encouragés à ajouter leurs propres exemples en leur laissant un espace intitulé Autre.

Réflexes viscérauxRespiration122335
Battements du cœur111728
Réflexes spinauxClignement des yeux191938
Retirer sa main lorsqu'on reçoit un choc électrique273057
Tousser lorsqu'on s'étouffe232649
Conserver son équilibre9817
Actions qui ne sont pas
des réflexes
Rire en situation de stress131124
Rattraper un objet cassant dans sa chute272552
Freiner rapidement devant un obstacle272552
Programmer son réveille-matin en se couchant le soir4711

Seulement deux élèves ont inscrit leurs propres exemples dans la section Autre. Ces derniers ont donné comme exemple de réflexes « Nous faire cogner le genou chez le docteur » et « Nous gratter quand ça pique ».

En observant ces résultats, nous pouvons conclure qu'environ un élève sur deux identifie les réflexes viscéraux comme étant des réflexes. Cependant, ils sont généralement plus nombreux à considérer les réflexes spinaux comme des réflexes. Cela pourrait s'expliquer par le fait que les résultats des réflexes viscéraux ne sont généralement pas conscients alors que ceux des réflexes spinaux le sont. Dans l'ensemble, ils ont davantage opté pour la respiration probablement parce qu'il s'agit du module qu'ils étudient présentement, donc cette notion était plus fraîche dans leur mémoire. En ce qui concerne les réflexes spinaux, retirer sa main lorsqu'on reçoit un choc électrique a obtenu la majorité des voix, tandis que conserver son équilibre n'a été retenu que par 27 % des élèves. Il faut dire que la notion d'équilibre n'a jamais été étudiée non plus depuis le début de leur enseignement scolaire. Pour la catégorie Autres, les réponses sont très variables en fonction des situations. Moins de 20 % des jeunes croient que programmer leur réveille-matin en se couchant constitue un réflexe et moins de 40 % des sujets admettent que rire en situation de stress en est également un.

Toutefois, 52 élèves sur 62, soit près de 85 %, estiment que rattraper un objet cassant dans sa chute et freiner rapidement devant un obstacle constituent de bons réflexes. Nous pouvons donc dire que pour les jeunes, les réflexes ne sont pas associés à l'habitude (avoir le « réflexe » de mettre son réveil), mais qu'ils sont souvent associés à la rapidité de l'action.

Nous croyons que nous sommes en face d'un problème de conception, car le terme « réflexe » semble considéré davantage comme un geste rapide qu'une réponse involontaire à un stimulus. En effet, dans les deux cas, les gestes posés (freiner et rattraper un objet) sont des actions volontaires. Nous croyons que ce phénomène est dû au langage. En effet, le terme « réflexe » est malheureusement mal utilisé dans de nombreuses expressions qu'on entend régulièrement comme par exemple, « Avoir de bons réflexes », « Aiguiser ses réflexes » ou « Manquer de réflexe ». Quand un commentateur sportif dit que tel gardien de but a de bons réflexes puisqu'il réussit à arrêter toutes les rondelles, ce n'est pas la moelle épinière qui a envoyé le message à sa main, mais bien son cerveau. Alors, nous croyons que ce sont ces abus de langage analogique qui induisent la grande majorité des élèves en erreur. Il importe donc de mettre l'accent sur ce point lorsque nous enseignons le concept de réflexe.

Question 2

Pour la deuxième question, nous leur avons présenté une courte mise en situation où nous leur demandions d'expliquer ce qui se passe dans leur corps lorsque leur pied se soulève lorsqu'ils marchent par accident sur un clou qui s'enfonce dans leur pied. Ils devaient tracer le trajet de l'influx nerveux sur un schéma à l'aide de flèches. Le dessin fourni consistait en un corps humain vu de dos à travers lequel on pouvait voir les nerfs, la moelle épinière, le tronc cérébral, le cervelet et le cerveau. Ces parties étaient clairement identifiées pour faciliter leur compréhension puisque les jeunes n'ont pas encore étudié le système nerveux.

Finalement, la grande majorité des élèves, plus précisément 87 %, ont dessiné des flèches en partant des nerfs du pied et se rendant jusqu'au cerveau en passant par la moelle épinière, le tronc cérébral et le cervelet. Il semble que, selon eux, le cerveau régit toutes les activités du corps sans exception. Ceci pourrait être causé par le fait que les jeunes ont conscience du résultat de certaines activités réflexes. De ces 54 élèves, seulement onze ont pensé à faire redescendre une flèche du cerveau jusqu'au pied pour que ce dernier se soulève. Les autres l'ont probablement oublié, car certains ne l'ont pas dessiné, mais l'ont écrit comme ceci : « Tu marches sur le clou, un signal passe dans tes nerfs, ensuite dans ta moelle épinière, ton tronc cérébral, ton cervelet et ton cerveau. Ton cerveau dit à ton pied de se soulever. » Peut-être croient-ils aussi que le cerveau envoie ses commandes par des ondes jusqu'à leur pied ! Il serait intéressant d'approfondir ce point lors de recherches ultérieures.

Parmi les huit élèves restants, quatre ont seulement dessiné des flèches au niveau du pied croyant que les nerfs à eux seuls envoyaient la commande au pied de se soulever. Les quatre autres, composés de deux élèves de chaque groupe, ont complété le schéma avec succès, dessinant une série de flèches se rendant jusqu'à la moelle épinière et redescendant au pied. Donc pour les jeunes, un réflexe n'est pas nécessairement associé au trajet de l'influx nerveux, car plusieurs éléments de l'arc réflexe ont été omis.

Question 3

Ensuite, nous avons choisi d'analyser leurs conceptions spontanées sur les causes des mouvements réflexes. Encore une fois dans le but de sauver du temps, nous leur avons suggéré cinq choix de réponses ainsi qu'un espace libre intitulé Autre pour laisser libre cours à leur imagination. Tout compte fait, les seuls exemples tirés de leur réflexion personnelle consistaient en des émotions du genre « le stress », « la peur » et « la colère ». Le reste des réponses est comptabilisé dans ce tableau selon la méthode expliquée précédemment.

L'habitude111021
La pratique7512
La douleur202040
Les besoins vitaux141933
Ils sont présents dès la naissance.211839

Ces résultats démontrent que plus de la moitié des jeunes (63  %) savent que les réflexes sont innés. La principale cause ressortie est cependant la douleur, et ce, probablement en raison de leurs expériences personnelles. Environ la moitié des élèves croient que les besoins vitaux sont une cause des réflexes. C'est tout à fait logique, car approximativement 50 % des jeunes avaient reconnu les réflexes viscéraux de la première question. Ils sont donc concordants dans leurs réponses. En ce qui concerne les deux autres choix, ils ont obtenu moins de la majorité des voix. Au total, 33 % des jeunes ont encerclé l'habitude comme cause et seulement 19 % la pratique.

Question 4

Par la quatrième question, nous cherchions à savoir si les jeunes reconnaissent les réflexes comme étant stéréotypés. Nous les mettions d'abord dans une brève mise en situation où ils se piquaient le doigt droit et le doigt gauche simultanément et à la même intensité. On ajoutait aussi comme élément qu'une autre personne se piquait elle aussi le doigt en même temps et à la même intensité. Ils devaient nous dire si tous les doigts réagiraient de la même façon et expliquer leur idée. Les réponses furent surprenantes.

Sur les 62 élèves interrogés, 65 % (18 + 17) stipulent que les réactions des doigts d'une même personne seraient différentes sous prétexte que les droitiers soulèveront leur doigt droit plus vite que le gauche et inversement pour les gauchers. Quelques-uns nous ont même précisé que l'information venant de leur doigt droit serait analysée par l'hémisphère gauche de leur cerveau et celle du doigt gauche par leur hémisphère droit. L'idée est logique si on considère qu'ils croient que c'est leur cerveau qui commande les mouvements réflexes, mais elle n'est pas véridique pour autant. Neuf élèves ont également ajouté que le temps de réaction serait différent, car selon eux, « le cerveau ne fait qu'une seule chose à la fois ». Ces mêmes 35 élèves qui croient que la réaction serait différente pour leurs propres doigts croient tous qu'une autre personne réagirait autrement qu'eux, car les cerveaux sont nécessairement différents d'une personne à l'autre. La réponse de cet adolescent résume bien l'idée générale de ces élèves : « Non, car les réflexes sont différents d'une personne à l'autre, d'un doigt à l'autre, même d'un muscle à l'autre. Les droitiers lèveront le doigt droit en premier. En plus, il y a des gens qui réagissent plus vite que d'autres ».

Quant aux autres élèves, 16 % (6 + 5) estiment que leurs propres doigts réagiraient de la même manière, mais pas ceux d'une autre personne sous prétexte que les cerveaux ne sont pas les mêmes chez tous les humains. Les 16 jeunes restants semblent pour leur part convaincus que les réflexes sont toujours identiques d'un organe à l'autre comme d'une personne à l'autre. Ils ont vu juste en spécifiant que les réflexes sont des actes involontaires, donc stéréotypés.

Question 5

Une autre mise en situation leur était proposée à la cinquième question visant à vérifier si selon eux la vitesse de réaction d'un réflexe était constante malgré le fait que la stimulation était répétée de nombreuses fois. Nous avons choisi une situation qui leur est familière sachant que presque tous les adolescents ont un jour ou l'autre fait vérifier les réflexes de leurs genoux par un médecin. Ils devaient dire si leur jambe se soulèverait plus lentement, à la même vitesse, plus rapidement ou plus du tout après de nombreuses répétitions et évidemment expliquer leur réponse.

Le réflexe serait plus lent. 8513
Le réflexe serait le même.8715
Le réflexe serait plus rapide.8816
La jambe ne se soulèverait plus du tout. 61218

Les réponses furent très variées comme nous pouvons le constater dans le tableau précédent. Les quelques élèves qui ont répondu que le réflexe serait plus lent ont expliqué leur choix par la fatigue. Selon eux, à force de demander aux muscles de soulever la jambe, ces derniers s'épuiseraient et finiraient par réagir plus lentement. À l'opposé, 16 jeunes ont cru que leur jambe se soulèverait plus rapidement. Leur explication semble tout aussi réaliste puisque selon eux, le muscle se trouve déjà en état d'alerte puisqu'il a été stimulé précédemment, donc le mouvement se fera plus vite. Voici une citation illustrant bien cette idée : « Les nerfs seront déjà en fonction en raison de la dernière stimulation, donc ça prendra moins de temps pour les réveiller et la jambe se soulèvera plus rapidement ».

D'autres sujets, 16 en tout, croient qu'à force de stimuler le genou, le soulèvement s'effectuera de moins en moins vite jusqu'à ce que la jambe reste immobile. Cette phrase d'un élève reflète bien l'argument employé pour expliquer leur raisonnement : « La jambe ne se soulèvera plus du tout, car un réflexe est activé quand quelque chose représente un danger pour nous, donc, si le médecin donne plusieurs coups, le corps ne percevra plus le coup comme un danger, donc le cerveau n'enverra plus de signaux pour faire lever la jambe ». Enfin, le reste des élèves, représentant environ le quart des sujets, ont affirmé que le réflexe resterait toujours identique en terme de vitesse puisque les réflexes sont des actes involontaires. La grande majorité des élèves ont encore une fois besoin qu'on leur fasse réaliser les anomalies de leurs conceptions initiales afin de comprendre vraiment ce que signifie la notion de réflexe.

Question 6


En ce qui a trait à la sixième question, nous voulions vérifier si les adolescents n'ayant jamais reçu de leçon sur les réflexes comprenaient qu'il s'agit d'un acte incontrôlable. Pour ce faire, nous leur avons simplement demandé si la vitesse de leurs réflexes était influencée par une distraction en les mettant dans une situation où ils se brûlent la main en même temps que nous leur parlions.

Finalement, 70 % des élèves (18 + 25) ne semblent pas comprendre que les réflexes sont involontaires. Voici deux citations qui résument parfaitement les arguments soulevés par ces jeunes : « Notre réflexe sera plus lent, car à ce moment-là, le cerveau doit se concentrer sur deux choses en même temps, donc les signaux du système nerveux sont assimilés plus lentement par le cerveau » et « Oui, c'est psychologique. C'est comme quand tu te fais mal et que tu ne le vois pas, car tu es distrait, tu le sens moins et ça te prend plus de temps de réaction ». Selon eux, lorsque nous les distrayons, ils sont moins alertes, donc réagissent moins vite. Cependant, comparativement à la question 2 et à la question 5, un plus grand nombre d'élèves a répondu que les réflexes sont toujours pareils puisqu'il s'agit d'actes involontaires. Par conséquent, pour ces 19 jeunes, le fait d'être distrait n'influencerait pas la vitesse à laquelle ils retireraient leur main.

Question 7

Ensuite, nous leur avons demandé si les personnes paralysées de tous leurs membres ont elles aussi des réflexes. Au total, 17 élèves seulement (10 + 7) croient que les paralytiques ont des réflexes. Parmi eux, cinq personnes ont expliqué leur raisonnement par le fait que les commandes des réflexes ne venaient pas du cerveau et que les nerfs des paralysés fonctionnaient encore. Les 12 autres ont dit que les personnes paralysées avaient des réflexes elles aussi, mais seulement des réflexes viscéraux comme la respiration et les battements du cœur. La majorité des adolescents ont par contre répondu que les paralytiques ne pouvaient avoir de réflexes, car leur cerveau ne réussit plus à faire réagir leurs muscles. Une fois de plus, le fait que les réflexes soient involontaires et commandés par la moelle épinière et non par le cerveau n'est pas bien assimilé.

Question 8

En ce qui concerne la dernière question, nous leur avons demandé si les bébés naissants, les adolescents, les adultes et les personnes âgées avaient les mêmes réflexes dans le but de savoir s'ils croyaient que les réflexes se modifiaient avec le temps. Presque tous les sujets (29 + 25) ont répondu que les réflexes étaient différents en fonction de l'âge. La majorité des jeunes interrogés se justifiaient en disant que les réflexes sont présents dès la naissance, mais qu'ils peuvent s'améliorer avec la pratique. Autrement dit, les plus vieux qui ont eu davantage de pratique possèdent des réflexes plus efficaces. Voici une citation qui résume parfaitement l'opinion de presque tous les jeunes : « Non, car les bébés ont moins de pratique et on a des meilleurs réflexes quand on se pratique, comme lorsqu'on conduit une auto ». Certains ont aussi spécifié que les bébés naissants ont des réflexes différents des leurs comme l'explique cet élève : « Non, car les bébés naissants ont le réflexe de téter tout ce qui est comme le sein de leur mère, mais nous et les autres n'avons pas besoin de ça, car nous buvons dans les verres. » Les réflexes de préhension et du blocage de la respiration sous l'eau (laryngospasme) ont également été nommés au sujet des réflexes propres aux nouveau-nés. Seulement deux élèves ont parlé du fait que les personnes âgées « sont moins actives, ne pratiquent plus leurs réflexes et que leur corps est moins bon, alors leurs réflexes sont moins aiguisés. C'est pourquoi on leur retire parfois leur permis de conduire ! »

Les huit autres sujets qui ont répondu que les réflexes étaient identiques chez tous les groupes d'âge parlaient principalement des réflexes viscéraux. Par exemple, un des sujets a précisé que « peu importe l'âge que nous avons, nous avons tous le réflexe de respirer, de digérer et de battre du cœur. » Il resterait à savoir ce que pensent ces mêmes élèves des réflexes spinaux car, aucun d'eux n'en a fait mention.



Discussion

Cohérence interne des résultats

Lorsque nous nous intéressons à l'analyse de la cohérence intra-sujet, intra-groupe et inter-groupes, des faits étonnants ressortent. Par exemple, il importe de souligner les ressemblances frappantes entre les significations attribuées par les élèves de même âge. Malgré que les deux groupes aient des statuts différents, les réponses données par les élèves étaient toujours similaires en terme de répartitions des choix et d'explications. Toutefois, l'inverse aurait été plus surprenant puisqu'il s'agissait d'une étude sur les conceptions initiales, donc le groupe qualifié d'enrichi ne devait théoriquement pas être avantagé.

Par contre, le phénomène est bien différent en ce qui concerne la cohérence intra-groupe. Contrairement à ce que nous aurions pu croire, les réponses des élèves étaient généralement très variées à l'intérieur d'un même groupe. La question 5 le reflète bien, car la distribution des réponses est approximativement d'un quart des sujets pour chacun des quatre choix. Ce phénomène se répétait pour la majorité des items à l'exception de la question 2 où les élèves ont pratiquement tous dessiné un signal partant du pied jusqu'au cerveau, la sixième question où 70 % des sujets croyaient que le fait de les distraire influencerait la rapidité de leurs réflexes et la dernière question pour laquelle 54 jeunes ont répondu que les réflexes différaient en fonction de l'âge. Pour ces questions, on remarque donc certaines tendances à l'intérieur du groupe. Cependant, ce sont les arguments évoqués pour justifier les choix de ces trois situations qui étaient souvent disparates.

En ce qui a trait à la cohérence intra-sujet, les résultats ont démontré que la plupart des jeunes sont cohérents. Quelques contradictions nous ont par contre surprises. Par exemple, un élève qui avait dessiné des flèches se rendant jusqu'au cerveau à la question 2 s'est contredit à la question 6 en stipulant que le fait d'être distrait n'influe pas sur la vitesse des réflexes, car ce n'est pas le cerveau qui les contrôle. Bizarre ! Un autre sujet n'a pas encerclé à la question 3 que les réflexes sont présents dès la naissance, mais l'a pourtant écrit mot pour mot à la question 7 dans sa justification. Toujours dans le même ordre d'idées, quelqu'un n'a pas encerclé les possibilités qui représentaient des besoins vitaux à la première question, mais les a nommés en tant que cause deux questions plus loin. Quelques jeunes qui reconnaissaient les réflexes viscéraux n'ont également pas réfléchi très longtemps avant de répondre que les personnes paralysées n'avaient aucun réflexe ! En fait, les jeunes ne semblent pas avoir conscience des anomalies dans leurs raisonnements ou peut-être qu'ils en sont conscients, mais ces anomalies ne semblent pas leur causer des dissonances cognitives. Ce ne sont toutefois que des exceptions et dans l'ensemble, nous pouvons dire que les sujets étaient logiques et cohérents dans leurs réponses. 


Comparaison avec le savoir officiel

 Comme nous l'avons mentionné précédemment, en physiologie, les réflexes de base sont des réponses (motrices, viscérales ou glandulaires) en réaction à des stimuli sensitifs ou sensoriels. Ils ont comme caractéristiques d'être rapides, involontaires, innés et stéréotypés. Le résultat de l'activité réflexe peut être conscient ou non. Les réflexes sont produits par des influx nerveux qui suivent un trajet bien précis qu'on appelle un arc réflexe. Comparons maintenant le savoir officiel avec les conceptions des élèves.

Un réflexe est une réponse à un stimulus
En général, les élèves semblent bien comprendre que les réflexes sont des réponses à des stimuli. En effet, à la question 3, la douleur était choisie davantage comme cause des réflexes. De même, le fait de recevoir un choc électrique et de retirer sa main à la question 2 était le premier choix lorsqu'il s'agissait d'identifier des réflexes. On peut croire aussi que, dans la même question, garder son équilibre ne fait pas partie des choix de réflexes, car pour les jeunes, il est difficile d'identifier le stimulus (l'étirement des muscles) qui produit la réponse d'équilibre.

Un réflexe est une réponse rapide
Il ne semble pas faire de doute dans l'esprit des jeunes que le réflexe est une réponse rapide. En effet, bien des jeunes ont répondu que de freiner rapidement ou de rattraper un verre quand il tombe sont des gestes réflexes alors que selon la définition mentionnée plus haut, ils n'en sont pas. En effet, pour des physiologistes, les réflexes sont des réponses motrices, glandulaires ou viscérales à des stimuli sensitifs ou sensoriels. Ici, on parle plutôt d'habiletés ou de gestes appris. De même, pour les jeunes, une personne âgée est moins rapide donc elle a moins de réflexes. Il est vrai que les personnes âgées ont des réflexes plus lents, mais cela ne veut pas dire qu'elles ont moins de réflexes. En effet, selon Marieb, en vieillissant nous avons toujours des réflexes, mais leur vitesse diminue. Elle explique ce phénomène par le fait qu'on possède moins de neurones en vieillissant et par le fait que l'intégration dans le système nerveux central est moins rapide avec l'âge.

Nous croyons que le sens du mot « réflexe », qui est défini comme étant une réponse à un stimulus, a dérivé dans le langage courant pour prendre le sens d'un geste rapide. Selon nous, cela serait causé par l'apparition d'un langage bi-utilitaire (polysémie). En effet, dans le langage courant, on parle beaucoup du réflexe en l'associant à la rapidité d'action. Par exemple, « Avoir de bons réflexes » signifie réagir promptement à une situation et « Manquer de réflexes » peut se traduire par n'avoir pas été assez rapide. Pour les physiologistes, le terme « réflexe » désigne plutôt une action en réponse d'un stimulus. Donc, ce qui est pour les physiologistes une caractéristique des réflexes est dans le langage courant la définition même d'un réflexe.

Le réflexe est involontaire
Ce concept semble causer beaucoup de difficultés chez les jeunes. En effet, ils sont nombreux à croire que si on est distrait on a des réflexes qui sont plus lents (voir la question 5). De même, la majorité des jeunes ont tracé le trajet de l'influx nerveux en le faisant passer par le cerveau, ce qui peut laisser sous-entendre une action volontaire. À la question 6, seulement 17 % croient que les personnes paralysées (qui n'ont pas de sensations conscientes) peuvent encore avoir des réflexes et ils croient en majorité que la main droite répondra plus rapidement à un stimulus que la main gauche et qu'il y aurait une latéralité (comme dans le cerveau) du traitement de l'information (voir la question 3).

Selon le savoir officiel, il existe des mouvements dont le cerveau n'a pas la gouverne. On peut cependant être conscient du résultat de l'activité réflexe, ce qui à notre avis, est responsable en partie de la confusion chez les jeunes. Cela pourrait également expliquer pourquoi, à la question 1, les réflexes viscéraux (réflexes inconscients) sont moins identifiés comme étant des réflexes que les réponses spinales (dont les résultats atteignent notre conscience). Sur le site des Sciences de la vie et de la terre, François Tilquin démontre, à l'aide d'électrodes placées sur le muscle du mollet, que la réponse réflexe est toujours la même et que le temps de réaction est constant peu importe l'état mental du sujet.

Nous croyons que pour les jeunes, tout ce qui est un mouvement doit nécessairement être « commandé » par le cerveau. Cet imbroglio peut se comprendre lorsqu'on tient compte du fait que la majorité de nos mouvements volontaires sont conscients. De plus, on décrit souvent le cerveau comme le maître suprême qui « commande » tout ce qui se passe dans notre corps. Cet animisme du cerveau pourrait être à l'origine de ce problème de conception.

Enfin, le fait que certains psychologues béhavioristes aient expliqué certaines conduites en les comparant à des réflexes peut aussi causer des difficultés. En effet, pour ces psychologues, tous les comportements (pas seulement les réponses motrices, viscérales ou glandulaires) ne seraient qu'une association mécanique entre un stimulus et une réponse. Il n'y a donc pas une intervention de la volonté. Cette vision béhavioriste des comportements s'est largement retrouvée dans le langage populaire. Par exemple, il n'est pas rare d'entendre des phrases comme « je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, c'était un réflexe » ou « j'ai eu le réflexe de mettre mon réveil avant de me coucher ». Dans les deux cas, le mot « réflexe » est utilisé par l'interlocuteur pour signifier qu'il a fait une action sans y penser. On peut croire que c'est cette vision des réflexes qui est présente lorsque certains jeunes répondent que l'habitude est la cause des réflexes (question 3) ou que le fait de rire dans une situation de stress est considéré comme un réflexe (question 1). Si c'est le cas, le sens qu'on donne au mot « réflexe » serait différent pour les psychologues et les physiologistes que celui qu'on retrouve dans la population en général. Nous serions donc devant un autre cas de polysémie.

Le réflexe est une réponse innée
À la question 3, 63 % des gens ont répondu que les réflexes sont présents dès la naissance. Cependant, à la question 8, beaucoup ont dit que les réflexes peuvent s'améliorer avec la « pratique » et que c'était la raison pour laquelle les adultes ont de meilleurs réflexes que les enfants. À la question 5, environ la majorité des répondants ont mentionné que les réflexes seront modifiés si on présente le stimulus plusieurs fois. Selon les physiologistes, les réflexes de base ne peuvent être ni appris, ni modifiés. Il semble toutefois que certains réflexes peuvent changer avec l'apprentissage. En effet, en associant un stimulus de base avec un stimulus conditionnel à plusieurs reprises, on peut obtenir une réponse réflexe seulement en présentant le stimulus conditionnel. C'est à cause de ce phénomène que les chiens de Pavlov salivent au son de la cloche. La distinction entre un réflexe inné et un réflexe acquis ne semble donc pas toujours très claire, et ce, même pour les scientifiques.

De plus, ce qui ajoute à la difficulté, c'est le fait que les réflexes peuvent changer avec le temps. En effet, certains réflexes qui sont présents chez les bébés disparaissent chez l'enfant plus âgé. Pour illustrer ce phénomène, Marieb donne l'exemple du réflexe de Babinski qui se retrouve uniquement chez les enfants de moins d'un an. Ce réflexe est présent tant que les axones des neurones du nourrisson ne sont pas tout à fait recouverts de myéline. Cependant, outre les réflexes du nouveau-né, les autres réflexes demeurent les mêmes durant toute la vie.
Les réflexes sont des réponses stéréotypées
Encore une fois, il semble que l'aspect stéréotypé des réflexes ne soit pas bien compris par les élèves. En effet, selon la majorité d'entre eux, le doigt de la main droite sera plus rapide à répondre à une piqûre que le doigt de la main gauche et la majorité d'entre eux pensent que les réflexes sont différents d'une personne à une autre. En médecine, on utilise les réflexes pour savoir si les voies nerveuses fonctionnent bien. Il faut donc qu'une stimulation donnée produise un réflexe donné et que ce réflexe soit le même chez tous les individus. La vitesse de la réaction est aussi sensiblement la même chez tous les individus sains. Cette confusion semble encore provenir du fait que les élèves croient que le cerveau est responsable de tous les mouvements. Pour certains, il est impossible qu'il puisse faire deux choses à la fois, alors que pour d'autres, ce ne sont pas les mêmes hémisphères qui analysent les stimuli reçus par la main gauche que ceux reçus par la main droite. Cela pourrait s'expliquer encore une fois par l'importance qu'on donne au cerveau.

En résumé, un réflexe semble être pour la majorité des jeunes une réponse rapide à un stimulus et pour eux, c'est le côté rapide de l'action qui importe. L'aspect involontaire, physiologique (arc réflexe), stéréotypé et inné du réflexe semble leur échapper. Nous sommes donc en présence d'un problème de conception et non de langage. Il peut y avoir plusieurs raisons à ce phénomène. Comme nous l'avons mentionné, le langage semble jouer un rôle important dans la construction des conceptions. Nous croyons que la différence entre la définition scientifique et la définition populaire du terme « réflexe » compte pour beaucoup dans la représentation que les jeunes ont de ce concept. Nous considérons que cette représentation n'est pas fausse, mais qu'elle est seulement peu développée. En effet, la rapidité est une caractéristique des réflexes, mais elle ne peut à elle seule le définir.

Limites méthodologiques

Comme dans toute étude impliquant des sujets humains, certaines limites méthodologiques ont pu influencer nos résultats. Malgré le fait que nous ayons fait tout notre possible pour que notre recherche soit valable en prenant des groupes qui n'avaient jamais reçu d'enseignement sur les réflexes, sans stress scolaire lorsqu'ils complétaient le questionnaire et ayant déjà effectué ce genre d'exercice sur les conceptions initiales, quelques améliorations auraient pu être apportées. Si nous avions pu faire passer les questionnaires aux deux groupes à la première période, les jeunes qui y ont répondu en revenant de leur dîner auraient été davantage reposés. Avoir eu plus de temps pour interroger les élèves nous aurait aussi permis de vérifier d'autres de leurs conceptions relatives aux réflexes et ainsi d'approfondir notre recherche. Le fait que nous ayons choisi un questionnaire comme méthode d'investigation nous a aussi limitées, car nous ne pouvions demander d'expliciter davantage les réponses incomplètes ou incomprises. Nous sommes restées sur nos interrogations, car nous n'avions plus la possibilité d'entrer en contact avec les sujets. Bien évidemment, si nous avions eu plus de temps, nous aurions aimé faire répondre un plus grand nombre de sujets de milieux sociaux ou d'âges différents, par exemple. Il aurait aussi été intéressant d'analyser les conceptions alternatives d'élèves ayant déjà reçu un enseignement sur les réflexes afin de comparer les résultats, mais malheureusement nous manquions de temps.



Conclusion
Nous croyons qu'il est primordial pour un enseignant de tenir compte des conceptions des élèves. Même si elles nous semblent inadéquates de prime abord, elles nous indiquent comment les jeunes se représentent un concept, ce qui nous permet ensuite de mieux les guider dans leur démarche de complexification. Il est important de mentionner que ce ne sont pas toutes les conceptions initiales qui font obstacle à un changement conceptuel. Certaines conceptions sont peu raffinées sur le plan des caractéristiques, mais sont quand même compatibles au savoir officiel.

Ce travail nous a permis de nous familiariser avec une façon d'aller chercher les conceptions chez les jeunes. L'utilisation d'un questionnaire peut être utile pour comprendre ce qui se passe dans la tête des élèves, ce qui est particulièrement intéressant lorsqu'un concept cause des problèmes d'année en année. De plus, en étudiant les représentations des élèves, nous avons pris conscience que notre façon d'enseigner peut aussi engendrer des conceptions alternatives. L'utilisation de certaines analogies et d'un langage inapproprié peut être à l'origine des problèmes de conception chez les jeunes. Enfin, nous croyons que la connaissance des représentations des élèves peut aider l'enseignant dans le choix des stratégies à utiliser pour obtenir une complexification conceptuelle.



Bibliographie

BARRASS, R. (1984). « Some misconceptions and misunderstandings perpetuated by teacher and textbooks of biology », Journal of Biological Education , 18, p. 201-204

 

CARON, Réjean, Marie-Josée FAUBLAS-ROY et Marielle FUGÈRE-GODIN (1997). De la tête aux pieds, Biologie 3e secondaire, Éditions HRW, Laval, Québec, 404 pages.

 

DORÉ, René (1999). Biologique, Biologie humaine 3ième secondaire, Guide d'enseignement, Les Éditions CEC Inc., Anjou, Québec, 306 pages.

 

JANSON, Johanne (1997). Comme un souffle de vie, 2e édition, Biologie Humaine 3e secondaire, Lidec inc., Montréal.

 

LAROUSSE, Pierre (1988). Petit Larousse illustré, Larousse, Paris.

 

LUCAS, A.M. (1987). « Public knowledge of biology », Journal of Biological Education, 21, p. 41-45.

 

MARIEB, Élaine N. (1999). Anatomie et Physiologie humaine, 2ième édition, Les Éditions du Renouveau Pédagogique Inc., Saint-Laurent, Québec, 1194 pages.

 

PFUNDT, Helga (1994). Bibliography, Students' alternative frameworks and science education, 4th ed., Kiel, Federal Republic of Germany : Institute for Science Education, 288 pages

 

ROBERT, Paul (1993). Le Petit Robert, Éditions Le Robert, Paris.

 

Annexe
Présentation (Power Point)