Ressource enseignant - Article de vulgarisation



Mise en situation
La vérification des acquis peut être faite à différents moments par l'enseignant lors d'une leçon ou d'un cours. Il est évidemment possible de la faire dans les minutes qui suivent la présentation du concept et/ou de la matière qui ont été sujets du cours, mais on peut aussi faire cette vérification au début du cours, au moment du rappel des notions vues antérieurement. Dans le cas de l'enseignement d'un concept dont l'apprentissage se fait en plusieurs étapes, cette vérification peut se faire après chaque composante du processus à l'étude, car la progression vers une nouvelle étape dépend de la compréhension de l'étape précédente.

Plusieurs possibilités s'offrent à l'enseignant pour vérifier que ses élèves ont bien compris son enseignement. Ces options peuvent être très différentes les unes des autres, chacune ayant des points forts et des points faibles, nous y reviendrons. Dans ce texte, nous proposons une démarche qui, sans prétention révolutionnaire, permet peut-être de mieux s'adapter au groupe d'élèves à qui on s'adresse. Il s'agit du questionnement de l'enseignant par les élèves.

En l'occurrence, la vérification des acquis s'effectuera à la fin de la présentation d'un concept précis : par exemple, la déportation des Acadiens, en histoire, ou encore le concept d'inertie, en physique. Notre proposition s'inscrit dans une ligne de pensée constructiviste, dans le sens où elle permet aux élèves de greffer des détails à ce qu'ils savent déjà. En questionnant l'enseignant à partir de leurs perceptions ou de leur incompréhension, les élèves sont par la suite plus enclins à adapter leurs conceptions aux explications qui leur sont données plutôt que de réfuter leurs idées ou hypothèses et d'en établir de nouvelles.

Dans le contexte de l'implantation prochaine de la réforme des programmes scolaires et de l'approche par projets, il est opportun de parler de compétence plutôt que de savoir. La définition de compétence qui correspond le mieux à l'idée qui sous-tend ce texte est la suivante : « La compétence est la possibilité, pour un individu, de mobiliser de manière intériorisée un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une famille de situations-problèmes (Roegiers, 2000) ». En se référant à cette définition, prenons pour acquis que le but visé par l'enseignant est de développer chez les élèves autant une compétence d'exécution que de réussite. La démarche pour solutionner un problème est aussi, sinon plus importante, que la simple réponse qui en découle. Il est donc ici question de compétences basées sur la démarche et sur la compréhension de celle-là. Ainsi, le but final visé par l'enseignant devrait être que ses élèves soient capables de développer des habiletés qui leur seront utiles non seulement pour réussir leurs cours scolaires, mais surtout leur vie.

Moyens à la disposition de l'enseignant
Parmi les démarches de vérifications des acquis utilisées fréquemment en classe, jetons un regard sur ce qui ne marche pas (ou moins bien) dans certaines approches préconisées par des enseignants. Du côté de l'évaluation formative, la vérification se fait par écrit et reflète relativement bien la vision qu'ont les élèves de la matière. Toutefois, cela demande à l'enseignant du temps pour la correction, et la rétroaction qui s'ensuit n'est pas immédiate. De plus, le temps que les élèves passent en classe pour accomplir cette évaluation est considérable. Nous voulons donc une nouvelle façon de procéder qui demande moins de temps en classe et qui apporte une rétroaction immédiate aux élèves.

L'évaluation par questionnement oral pour vérifier ce que les élèves ont compris d'un concept répond à ces critères. Toutefois, cette approche peut ne pas plaire à tous. En effet, un élève qui ne comprend pas bien la matière ne veut pas nécessairement que son ignorance soit exposée au reste de la classe. S'il est questionné sur ce qu'il ne comprend pas, il risque de prendre l'enseignant en grippe parce qu'il se sera senti humilié devant ses pairs. De plus, il est probable qu'il tentera d'en dire le moins possible afin d'éviter le jugement du groupe, ce qui, malheureusement, n'est pas d'un grand recours lorsque vient le temps d'évaluer la compréhension des élèves. Dans le même ordre d'idées, si on demande aux élèves de résumer ce qu'ils ont retenu, un des dangers pédagogiques est de ne pas obtenir des réponses qui représentent bien l'ensemble de la classe. De plus, les élèves peuvent voir là un élément de comparaison entre eux, même de compétition, et imaginer que ceux qui ont obtenu les meilleures réponses ont plus de mérite que les autres.

Nous proposons un moyen de vérification qui élimine ou du moins amoindrit cette idée de compétition entre les élèves.

Questionner l'enseignant
Ce moyen pourrait bien être, dans certains contextes, une sorte de jeux de rôles où les élèves prennent la place de l'enseignant et l'interrogeraient. L'enseignant se voit confier le rôle d'un élève qui doit répondre aux questions qui lui sont adressées. Cette approche met les élèves en position de questionner plutôt que de répondre. Ce rôle pourrait leur permettre de demander ce que bon leur semble sur la matière à leur enseignant sans pour autant exposer leur ignorance au reste de la classe.

Une fois le concept vu en classe, l'enseignant, le vrai (!), demande à tous les élèves de se préparer deux ou trois questions sur la matière. On rend cet exercice obligatoire à tous : si vous aviez deux questions à poser, quelles seraient-elles ? On inverse ensuite les rôles et les élèves questionnent leur enseignant sur ce qu'ils n'ont pas tout à fait compris ou encore sur ce qu'ils aimeraient savoir. On gagne ainsi beaucoup de temps comparativement à l'évaluation formative. Certains diront qu'il n'y a pas une si grande différence entre le fait de questionner l'enseignant plutôt que de répondre aux questions : un élève doit quand même exposer son ignorance pour poser sa question. La différence réside cependant dans la possibilité de choisir. Si l'élève est questionné par l'enseignant, il se retrouve exposé malgré lui. Par contre, en ayant le rôle de la personne qui interroge, il choisit lui-même. Cette décision le responsabilise davantage vis-à-vis de son apprentissage. De même, ce principe laisse une porte de sortie à l'élève qui ne veut pas partager ses incompréhensions avec le reste de la classe, car cet élève peut alors poser une question d'actualité ou d'application. L'enseignant doit toutefois être attentif à ce genre de questions ; si elles reviennent trop souvent de la part des élèves plus faibles, il doit leur faire comprendre que personne ne leur donnera d'explications s'ils n'en demandent pas.

Le caractère obligatoire de l'activité peut sembler superflu aux yeux de ceux qui ont bien compris le concept. Il appartient alors à l'enseignant de leur rappeler que ces questions peuvent aussi toucher ce qu'ils ont vu dans un autre cours (par exemple : l'application des calculs mathématiques en physique et chimie). On a alors une chance de tisser des liens avec de la matière vue dans une autre classe, contribuant ainsi à faire ressortir les compétences transversales accessibles aux élèves. Ils peuvent également poser des questions sur les applications de cette matière dans la vie de tous les jours. Ces questions contribuent alors au volet enrichissement du cours qui, contrairement à ce que l'on retrouve dans les livres et les différents ouvrages, touche et rejoint les élèves, puisque ça vient d'eux. De plus, il importe de leur mentionner que leurs questions peuvent aider ceux qui comprennent moins : les questions plus fondamentales peuvent alors être posées par les élèves les plus brillants, à condition bien sûr d'avoir un groupe solidaire.

Conclusion
En bref, il est important de bien se rendre compte que ce jeu de rôles n'est qu'un outil de plus à ajouter à ceux que l'enseignant possède déjà. Il peut fonctionner à merveille avec certains groupes, comme ne rien apporter de nouveau avec d'autres. Il revient à l'enseignant de bien cerner et d'identifier les difficultés de ses élèves pour savoir si cette activité parvient à aider suffisamment son groupe pour qu'elle vaille la peine d'être tenue. De plus, l'enseignant est responsable des réponses qu'il formule à sa classe. Il doit être en mesure de saisir ce que les élèves veulent dire et tenter de répondre aux questions qui seraient semblables à celle qui lui est formulée. Certains enseignants aimeront travailler avec cet outil, d'autres non : il revient à chacun d'effectuer son choix.

Médiagraphie
ROEGIERS, X. (2000). Une pédagogie de l'intégration : compétences et intégration des acquis dans l'enseignement, Bruxelles, De Boeck Université, p. 66.